“...no Japão, a existência é a empresa. [...]
Os contadores
que passavam dez horas por dia a copiar números eram a meu ver vítimas
sacrificadas no altar de uma divindade desprovida de grandeza e de
mistério. Em toda a eternidade, os humildes consagraram sua vida a
realidades que os ultrapassavam: ao menos, antes, eles podiam supor uma
causa mística a esse desperdício. Agora, eles não podem mais ter
ilusões. Eles davam sua existência para nada.
O Japão é o país onde a taxa de suicídio é a mais elevada, como todos sabem. Da minha parte, o que me admira é que o suicídio não seja lá mais frequente.
Fora da empresa, o que esperava os contadores de cérebro enxaguado
pelos números? A cerveja obrigatória com os colegas tão castigados
quanto eles, horas de metrô abarrotado, uma esposa já dormindo, crianças
já cansadas, o sono que te aspira como um lavabo que se esvazia, as
raras férias, das quais ninguém conhece o manual de instruções: nada que
mereça o nome de vida.
O pior é pensar que em escala mundial essas pessoas são privilegiadas. [...]
Pobre Senhor Saito! Cabia a mim reconfortá-lo. Apesar de sua relativa
ascensão profissional, ele era um Nipônico entre milhares, ao mesmo
tempo escravo e carrasco desajeitado de um sistema que ele certamente
não gostava mas que ele jamais denegriria, por fraqueza e falta de
imaginação.”
Amélie Nothomb (1966-). Stupeur et tremblements. Paris: Éditions Albin Michel, 1999
…au Japon, l'existence, c'est l'entreprise. […]
Les comptables qui passaient dix heures par jour à recopier des
chiffres étaient à mes yeux des victimes sacrifiées sur l'autel d'une
divinité dépourvue de grandeur et de mystère. De toute éternité, les
humbles ont voué leur vie à des réalités qui les dépassaient: au moins,
auparavant, pouvaient-ils supposer quelque cause mystique à ce gâchis. A
présent, ils ne pouvaient plus s'illusionner. Ils donnaient leur
existence pour rien.
Le Japon est le pays où le taux de suicide
est le plus élevé, comme chacun sait. Pour ma part, ce qui m'étonne,
c'est que le suicide n'y soit pas plus fréquent.
Et en dehors de
l'entreprise, qu'est-ce qui attendait les comptables au cerveau rincé
par les nombres? La bière obligatoire avec des collègues aussi trépanés
qu'eux, des heures de métro bondé, une épouse déjà endormie, des enfants
déjà lassés, le sommeil qui vous aspire comme un lavabo qui se vide,
les rares vacances dont personne ne connaît le mode d'emploi: rien qui
mérite le nom de vie.
Le pire, c'est de penser qu'à l'échelle mondiale ces gens sont des privilégiés. [...]
Pauvre monsieur Saito! C'était à moi de le réconforter. Malgré sa
relative ascension professionnelle, il était un Nippon parmi des
milliers, à la fois esclave et bourreau maladroit d'un système qu'il
n'aimait sûrement pas mais qu'il ne dénigrerait jamais, par faiblesse et
manque d'imagination.”